Mes nuits sont courtes mais sont riches en découvertes CULturelles. J’ai profité de mon manque de sommeil de la nuit dernière pour visionner l’excellent film du cinéaste Todd Haynes “Carol”.
Sorti en salles le 13 janvier dernier, “Carol” est porté par une distribution délicate et juste. Cate Blanchett et Rooney Mara se partagent l’affiche avec brio.
Carol est adapté de la nouvelle de Patricia Highsmith, intitulée « Les eaux dérobées ou Carol » qui fut publiée à l’époque au moment même où l’Association des psychiatres américains ajoutait l’homosexualité à la liste des maladies mentales. Classée quasi-pornographique, cette nouvelle récolte pourtant beaucoup de succès et n’a pas cessé depuis d’attirer les réalisateurs de tous bords.
Le Synopsis :
Nous sommes en 1952, à la veille de Noel, Carol Aird (Cate Blanchett) une femme bien installée dans sa vie de bourgeoise américaine cherche un cadeau pour sa fille de quatre ans. Elle se rend dans le magasin ou travaille la jeune et timide Thérése Belivet (Rooney Mara) qui lui propose d’offrir à sa fille un train électrique, dernière nouveauté sortie sur le marché du jouet. Carol s’empare de l’idée mais oublie ses gants sur le comptoir. Voila qui permet à Thérèse de reprendre contact avec la belle Carol qui l’a troublé au plus haut point. Celle ci, en instance de divorce et voulant refaire sa vie, semble être dans le même état puisqu’elle fini par inviter Thérèse à passer le weekend chez elle. Le futur ex mari de Carol, incapable d’accepter la séparation va essayer de lui enlever sa fille en lançant une enquête de moralité qui fera défaut à Carol et l’obligera à faire un choix entre sa famille et ses envies.
Ma vision du film :
Ce film que je trouve tourné tout en douceur et en délicatesse est pour moi un cheminement vers la passion amoureuse qui née entre deux femmes plus que l’étalage d’un amour lesbien. Il a été souvent présenté comme une histoire d’amour entre deux femmes à une époque ou cela était impossible. Cette analyse me semble très simpliste et ne reflète en aucun cas ce que le réalisateur à voulu nous montrer
Ici, Todd Haynes, nous laisse voir plusieurs choses déterminantes. Il nous montre comment l’entrelacs des décisions prises par chacun arrivent à faire basculer des vies qui étaient pourtant parties pour correspondre totalement à ce que la société attendait d’elles. Tous les personnages sont liés et auront tous un impact les uns sur les autres laissant s’insinuer entre eux à la fois l’amour, La haine, la tristesse et l’envie.
Il oppose, une Carol, maniérée, dans l’emphase, très hollywoodienne, jouant un rôle qui ne lui ressemble pas, sans doute pour essayer de se couler dans une société ou elle ne trouve pas sa place au personnage innocent de Thérèse qui n’a pas encore compris la vie et qui essaye désespérément de trouver une place qui lui correspond.
Carol aime les femmes, ce n’est pas la première fois qu’elle a une relation amoureuse mais il semble que ce soit la première fois qu’elle soit aussi touchée et troublée. Elle évolue dans sa vie avec ce sentiment qui la caractérise et lutte de toutes ses forces contre la normalité de l’époque que son mari veut lui imposer à tout prix. Carol veut être libre de faire ce qui lui plaît et lui convient et même lorsque son mari l’a menacera d’une enquête de moralité elle partira sur les routes avec Thérèse pour vivre cet amour qu’elle sent déjà mais qu’elle ne veut pas brusquer.
Thérèse fréquente un homme qui veut l’épouser et lui offrir une vie honnête mais cela ne la touche pas, pour moi elle est dans une attente constante car elle ne sait pas ce que sera sa vie. Elle la regarde avec distance. J’aime ce moment du film ou son prétendant lui dit qu’il la veut et qu’elle lui demande s’il est possible d’aimer quelqu’un du même sexe. Il y a une telle distance entre le ressenti des deux personnages à ce moment que ca pousse indéniablement la puissance de ce film.
Le roadtrip des deux femmes à travers une partie de l’Amérique sera le temps nécessaire pour que l’amour physique puisse naître entre Elles. Carol luttant toujours et étant dépassée par la fragilité et la grâce de Thérèse qui, elle, se laisse effleurer et séduire sans jamais reculer mais sans jamais avancer non plus.
La scène de sexe est à l’image du reste du film, lente, d’une douceur infinie. Les baisers de ces deux femmes qui se sont enfin réunies sont d’une poésie intense. Les corps se dénudent et se pressent, s’emmêlent dans un silence porté par une orchestration phonique intense. Le désir est présent mais discret, nous ne verrons que quelques minutes de cet acte d’amour mais il scelle le destin des deux personnages qui sont désormais liés par ce que l’on nomme une relation amoureuse. J’aime quand dans un souffle, Thérèse demande à Carol de ne pas éteindre la lumière car elle veut la voir lui faire l’amour. C’est à ce moment là, à mon sens que le personne de Thérèse prend toute sa consistance et devient déterminant dans le reste de l’histoire.
Mais là encore la société refait surface et pousse les deux femmes à se séparer, la passion à peine entamée est étouffée. Carol est rattrapée par son mari qui les a fait suivre et qui détient désormais la preuve que les deux femmes sont immorales et dépravées. Le chantage à l’enfant que nous connaissons encore bien de nos jours, entre en jeu et pour ne pas perdre sa fille, elle retourne auprès de son mari.
Elle laisse une Thérèse dévastée, seule face à elle même mais forte de cette relation qui la pousse à évoluer et à devenir une artiste. Se positionnant enfin dans cette société qui n’avait jusqu’alors pas beaucoup de sens pour elle.
Mais on ne lutte pas indéfiniment contre l’amour, même la société la plus rigide et sévère ne peut pas empêcher les gens d’être ce qu’ils sont. Pour être et vivre ce qu’elle est pleinement, Carol fait le choix difficile de laisser sa fille à son mari et va poser son amour aux pieds de Thérèse qu’elle n’a jamais pu oublier.
J’ai adoré ce film et je ne peux que vous conseiller de le regarder pour que vous puissiez vous aussi sentir toute la puissance de cet amour qui se place tout en douceur . Le plus est que la bande son du film est vraiment exceptionnelle, une vraie plongée dans les années 50.
Très beau film!