Aujourd’hui je reçois sur le blog la talentueuse illustratrice, Rita Renoir qui à travers ses dessins sait faire revivre un érotisme raffiné, délicat et poétique. Ses demoiselles sont des représentations de femmes modernes. A la fois douces et amoureuses, déterminées et sensuelles, elles incarnent la féminité dans toute son étendue, offrant aux spectateurs une vision non consensuelle de la réalité.
Rita Renoir à le don de nous offrir une parenthèse extatique venant illuminer nos yeux de lumière et nos coeurs d’une chaleur bienveillante. Il est alors difficile de ne pas s’attacher immédiatement à “ces demoiselles” dans lesquelles nous reconnaîtrons toutes, une grande part de nous même.
L’Aristochatte : Bonjour Rita Renoir, peux-tu te présenter en quelques mots à mes lecteurs et lectrices ?
Rita Renoir : Je suis parisienne, quarantenaire, indépendante, jeune illustratrice en devenir car même si j’ai longtemps travaillé dans un milieu artistique, l’illustration est une activité encore toute récente pour moi.
J’aime passionnément les images étranges et désuètes. J’aime explorer l’intimité féminine pour la retranscrire en dessins doux et sensuels.
L’Aristochatte : Je follow ton travail depuis un bon moment maintenant et je suis toujours touchée par tes dessins. Comment l’érotisme est-il rentré dans ta vie puis dans ton art ?
Rita Renoir : L’érotisme est tout d’abord entré dans ma vie par le biais de la littérature ; en lisant en cachette des livres dissimulés dans la bibliothèque de mes parents. C’était assez inattendu car il s’agissait d’auteurs classiques. Je me souviendrai toujours du petit choc quand j’ai compris que La Fontaine n’écrivait pas que des fables animalières.
J’ai redécouvert l’érotisme sous un angle artistique au moment où je travaillais à la réalisation d’un livre sur Pigalle. J’étais entre autre chargée de rassembler tout le matériel iconographique. Ce qui était un gros challenge à l’époque car je n’avais aucune expérience de ce genre de métier à part être une chercheuse tenace. J’ai gardé de cette époque une petite collection de curiosa assez piquantes et le goût pour ce style d’illustrations parfois désuètes et souvent burlesques…
Fin 2014 j’ai participé à un concours de nouvelles érotiques sous le pseudo de Rita Renoir. Et je me suis remis au dessin peu de temps après en empruntant cette voie sensuelle qui m’intriguait….
L’Aristochatte : Tes “demoiselles” sont toujours sexy et féminines mais on sent une force en elles ? Sont-elles des facettes de toi même ? Ou des figures féministes qui collent à notre époque ?
Rita Renoir : Sauf dans des cas très rares il y a toujours une petite part de moi dans mes dessins. J’y ajoute un sentiment (joie, colère ou tristesse…), un souvenir, quelque chose qui m’intrigue ou me fait rire, parfois même quelques petits bouts de moi quand je cherche des positions de mains ou de pieds particulières. Ce ne sont pas des autoportraits mais le fait que j’y ajoute cette dimension personnelle donne sans doute plus de force et d’authenticité à mes illustrations. C’est toujours une belle surprise de voir que j’ai réussi à transmettre une émotion aux gens qui regardent mes créations et à lui donner ainsi un côté universel. Comme effectivement je suis une femme indépendante et que je parle intimité féminine, oui, je pense qu’à ma modeste manière je donne à voir des figures féministes qui revendiquent leur droit à la sensualité, à exprimer leur désir et leur plaisir en toute liberté et sans jugement…
L’Aristochatte :Je sais que tu es attentive à tout ce qui t’entoure, nous entoure, est- ce de la que vient ton inspiration ou la puises -tu ailleurs ?
Rita Renoir : Il y a d’une part la dimension personnelle que j’insuffle mais également ce que je trouve ailleurs. Dans une interview le célèbre dialoguiste Michel Audiard expliquait de manière fort amusante qu’il faisait les poches à ses amis lors des dîners auxquels il était invité, puisant ainsi matière à inspiration dans les conversations des uns ou des autres. Je pense que tout raconteur d’histoires, que ce soit sous forme illustrée, filmée ou romancée est une sorte d’ogre avec son entourage. Je suis donc effectivement attentive à mon environnement, que ce soit sur les réseaux sociaux, à travers les expos que je fréquente, les recherches que je mène sur des thématiques qui m’intriguent… J’aime également beaucoup les échanges de commentaires avec certains internautes qui apportent de l’eau à mon moulin et me permette ainsi d’aller plus loin dans ma réflexion…
L’Aristochatte : L’amour, le désir reviennent de façon récurrente dans tes dessins, parfois triste et souvent doux, qu’elle en est ta vision exacte ?
Rita Renoir : L’amour, le désir, le sensuel et de la tristesse oui parfois. Je pense que mes dessins suggèrent de l’érotisme mais avant tout de l’intime.
Dans ma vie personnelle je suis une amoureuse passionnée et sentimentale mais peut-être pas tout à fait conventionnelle car je ne supporte pas bien la contrainte de la vie de couple traditionnelle dans laquelle je m’étiole. Je déteste en particulier que l’on intervienne dans mon travail de création. Et ça a souvent été un sujet de discorde avec mes différents amoureux. J’ai besoin d’avoir un jardin secret pour laisser s’ébattre mes pensées en toute liberté. Sans avoir un tempérament totalement infidèle, je suis une vagabonde et c’est un peu dur à accepter pour mon entourage.
L’Aristochatte : En tant que femme illustratrice s’intéressant à l’érotisme, es-tu impactée par la censure ? Est-ce plus difficile pour toi d’évoluer dans ce monde de plus en plus fermé?
Rita Renoir : Mes dessins me semblent souvent plus sensuels et suggestifs que clairement érotiques. J’ai pour l’instant fait clairement le choix d’explorer l’intimité féminine avant tout. Je n’avais donc jamais été vraiment impactée par la censure jusqu’à récemment sur Instagram où plusieurs de mes dessins ont été dénoncés.
Ce réseau social ayant été racheté par Facebook, il pratique la même politique qui vise à interdire les tétons féminins. Si j’ai un peu de mal à comprendre cette interdiction, c’est plus le fait que quelqu’un se soit amusé à sciemment à me cafarder qui m’a été vraiment désagréable. Cela a eu l’effet de me galvaniser et de me pousser à présenter beaucoup plus de mes dessins alors que j’étais restée plutôt discrète pendant longtemps. Réagir car je trouvais insupportable cette forme d’intimidation a finalement été salvateur : désormais mon travail d’illustratrice est beaucoup plus mis en avant.
Mes dessins ont été partagés par des comptes Instagram plutôt reconnus tels que Aotearotica, Picame, Maison Chloeyeur (…), ainsi que par des comptes individuels qui donnent parfois une nouvelle vie à mes créations en y ajoutant des mots poétiques. Obtenir ce genre de reconnaissance est une forme de protection en soi. Mes dessins sont désormais considérés en tant que production artistique et non plus comme une sorte de «déviance» ou une manière bizarroïde d’aguicher. Parce que parler d’érotisme en tant que femme, c’est aussi s’exposer à des réactions inattendues, des questions indiscrètes et glauques, sans oublier les propositions graveleuses. Parfois cela me fait franchement rire jusqu’au moment où cela dépasse les bornes…
L’Aristochatte : Si mes lecteurs veulent acquérir une de tes œuvres, est ce possible et comment ?
Rita Renoir : Je les ai tout d’abord vendues par le biais de mes expositions. Et depuis quelques jours j’ai ouvert une boutique en ligne sur Etsy. Par ailleurs si certains dessins ne sont pas encore proposés là bas, il ne faut pas hésiter à me contacter directement via mon mail à renoir.rita@gmail.com
L’Aristochatte : Quelle est ton actualité du moment ?
Rita Renoir : Après avoir fait voyager mes dessins dans plusieurs expositions à travers Paris, j’ai décidé de faire une petite pause. J’avais besoin de prendre le temps de faire de nouvelles illustrations avant d’envisager de les balader à nouveau. De plus j’ai commencé à travailler sur quelques projets plus précis ou des demandes particulières. J’ai dessiné une bannière pour le site dédié à la littérature érotique, La Bauge littéraire, de Thomas Galley. Celui-ci m’avait donné comme unique contrainte le thème de la liseuse nue et j’ai adoré réfléchir sur ce sujet. Je viens également d’apprendre que certaines de mes illustrations avaient été retenues pour être publiées dans le volume 2 du magazine néo-zélandais Aotearotica, dédié à l’érotisme, les questions de genre et l’intimité. J’espère continuer à travailler dans cette voie et montrer prochainement d’autres collaborations artistiques.
Merci à Rita Renoir d’avoir répondu à mes questions, j’éspére que vous aurez eu autant de plaisir que moi à la découvrir.
merci pour cette découverte.